ODE d'Antoine Côté Legault à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins

Le cérémonial de l’apothéose du vide

Par José Claer

© Catherine Archambault

Sans filtre. Les cinq acteurs avec des mots morts sur leur langue, osaient une fois, deux fois expulser un retentissant : « Pas de filtre ». Et pourtant, tout se situe là. Dans un texte-filtre de sécheuse tellement encrassé de toutes sortes de fœtus d’idées avortées, de promesses qui s’excusaient de ne pas être devenues fêtes, d’un côté. Et de l’autre, le public qui ne réussissait pas à se glisser dans ces alvéoles. Notre quête à émotions demeurée sans écho. Et pourtant… ce soir, en entrant au 333 de la Nouvelle-Scène, on nous attendait avec tout un cérémonial de couleurs : un premier « guide de survie », un sac-banane, des rubans sur lesquels écrire un souhait secret, coupable ou un regret, faire mille choix pour nous préparer à la fin du monde « dite interactive » d’Antoine Côté-Legault. « Ode ou la vie après avoir regardé le soleil dans le blanc des yeux ». Au menu, il n’y avait même pas la faim pour nous sustenter, la poudre à émerveillement était sans doute backorder, le texte surtout. Je m’attendais à être déviergé par ce thème de la Lune qui se décroche la luette, la Lune en panne d’acné, tout quoi, tout mais pas… et pourtant…

© Catherine Archambault

Le spectacle a débuté à 19 h 30. À presque 21 h, je regardais ma montre pour noter le flash. Le décor enfin entrait en scène : une voile blanche ou lange, une femme qui se couche, on la recouvre, une lumière au centre, la comédienne porte sa mort comme une albinos son nouveau maquillage de momie. C’était d’une poésie instantanée pour moi, mais cela ne rachète rien. Oui, il y avait la Lune, enfin, un recyclage de boule disco qui avait perdu toutes ses paillettes, toute sa débauche de Studio 54. Et pourtant-là… quand les gens étaient venus épingler leurs souhaits ou regrets notés dans l’antichambre avant la représentation, au milieu des stalactites, strates d’arc-en-ciel, un bonhomme bedonnant sa bonne humeur d’être déjà célèbre dans cette agora, s’était mis à jouer pour de vrai. On l’a regardé, on l’a applaudi, et deux comédiennes prestement l’on retourné à sa place dans les estrades.

© Catherine Archambault

Qu’est-ce qui ne se passe pas? Qu’attendez-vous du public, vous les dramaturges, les metteurs en scènes, les comédiens, jusqu’où décidez-vous que vos spectateurs peuvent aller trop loin, sans créer un malaise, sans crier « là tu déranges, retourne sagement à ta place ». On ne connaît pas les codes, trop bien domptés par des années de fréquentation d’un théâtre officiel, encadré par des conventions castrantes qui mutent nos cells et chacune de nos cellules du spontané, du cri primal. Par peur de se tromper, de ne pas comprendre les signes promis, le ridicule, nous n’avons pas bougé de notre passivité habituelle. Quand pourrons-nous vraiment jouer au théâtre avec vous? La réciprocité, ça vous tente? Sinon, pourquoi nous faire croire qu’on est invité à être vivant au moment où, justement, la Lune va tous nous tuer… d’ennui? Et pourtant… nous étions là et lasses. Hélas!