La poésie des naufrages : Sébastien Gaudette à la Galerie Montcalm

Ou comment jeter avec une maestria ludique son ancre dans l’encre

par José Claer

Vite ! allez-mettre sur la platine de votre pick-up turquoise ou recherchez sur You Tube : Catherine Lara chantant « La craie dans l’encrier ».  Et imaginez que vous êtes Sébastien Gaudette, qu’au bout de votre main droite pend la spontanéité, et de la gauche s’agite frénétiquement une laisse ; en alternance.  Notre artiste-vedette alimente son univers de tabula rasa avec du papier-mâché et au moment où tout peut enfin chanter le tue-tête de tous ses azimuts, il serre les vices et ne laisse que les vertus.  Discipline des opposés pourtant complémentaires, il carbure aux dialogues du froissement que font ses poèmes une fois qu’il les déleste, ce geste précis et précieux du pitcheur au base-ball virtuel, pour créer 100 accidents de Beauté.

L’UQAM (son alma mater en arts visuels et médiatiques quitté en 2015) avec discipline et méthode l’a aidé à sculpter ses mains, à en faire l’origami même ; alors, il n’a pas tort de tordre, torturer dans un calcul quantique, s’épuiser, se rougir les jointures, tenant le dessin à bras-le-corps des œuvres magiques de faussaire, et qui pour nous, semblent réelles et d’une simplicité désarmante, presque pas artistique, et au fond toute son enfance tient dans une feuille de 9X11cm qui est en réalité un dessin à imaginaire levé.  Et au centre de la Galerie, 9 veilleuses majuscules, résidus oubliés d’enfants de Géants qui jouaient ou balises de quelques voyages maritimes, icebergs qui ont condamné le Titanic à la célébrité éternelle d’un naufrage, mais que Chronos, maintenant, en fait les victimes de cette planète qui perd ses eaux.

Scott Simpson

Sébastien Gaudette replie et déplie, d’expo en expo, par tout le continent de Brooklyn à Baie St-Paul, de la Lune jusque dans l’in situ de Gatineau son don d’illusionniste qui s’amuse à nous prendre au piège de ces pièces de métal, de ses visages à l’échelle de déités qui parlent le « Langage éphémère orange » (2023).  En fait, tout est démonté à la fin de chaque expos, fourrés dans son coffre-à-gant, et à la nouvelle destination, sniffant l’épiderme de cette Maison de la Culture ou de telle galerie d’art qui l’invite à poser ses balises-valises, ses pièges à clins d’œil, il réorganise selon l’instinct du moment, comme en flirt avec l’eau, l’espace pour exercer sa propre démesure intérieure ; celle d’un voilier ou pourquoi pas d’une goélette-Gaudette.

Scott Simpson

La musique de Catherine Lara saute sous l’aiguille à tricoter un autre temps à l’envers, ou c’est un trompe-oreille temporel, et vous laisse au pied de la lettre de cette chronique, un de ses poèmes :

« le silence est un verre vide »

N’oubliez pas de porter votre scaphandre pour plonger dans son univers fait de taches de peinture bleues et de verts (oui) de poésie.

Quand? jusqu’au 5 mars 2023
Où? Galerie Montcalm (Centre-Ville)
Combien? Gratuit