L’unique cinéma répertoire à Gatineau ne baisse pas les bras

Projection au bistro Le Troquet. Photo : Jacques Ménard

Par Emmanuelle Gingras

On est en 2019. Anne-Marie Hodgson, fonctionnaire passionnée d’arts, se rend à La Nouvelle-Scène Gilles Desjardins pour y voir la pièce Ce qu’on attend de moi, une production de style laboratoire expérimentale venue de Vancouver. Il n’y a pas une représentation pareil; un membre du public choisi de manière aléatoire devient l’acteur.trice et l’auteur.e de chaque performance. Anne-Marie Hodgson devient l’heureuse élue le temps d’une soirée. 

On l’expose à de nombreux défis en lui posant entre autres quelques questions existentielles. L’une d'entre elles : « Nomme-nous un de tes plus grands rêves. ». Pour Anne-Marie, la réponse est claire. Elle prend le rôle d’une gestionnaire de cinéma,  c’est une idée qui lui marine dans l’esprit depuis un bout de temps; « J’aimerais fonder un cinéma indépendant et accueillir des films de répertoire à Gatineau. On n’en a pas! ». En réponse à cela, la foule se montre réactive, adhérente. 

L'involontaire étude de marché a été le coup d’envoi de la compagnie nomade Ciné Jonction. Trois mois plus tard, le club de cinéma était incorporé et six mois après, une première projection du film Chercher le courant avait lieu au bistro Le Troquet.

Ce film québécois avait réussi à attirer un public d’environ 85 personnes. La réceptivité du public a lancé un message clair : les cinémas de la région n’ont vraisemblablement pas de programmation diversifiée. Ce n’est pas nouveau. Les propriétaires de salles de cinéma étant souvent motivés par des intérêts commerciaux avant tout, cela explique pourquoi ces salles sont dominées en grande partie par des blockbusters américains.

Le Cinéma 9 à Gatineau présente parfois des titres de répertoire, mais ils ne restent jamais assez longtemps à l’affiche pour en faire un « buzz », soulève Anne-Marie. Même chose pour les films québécois, qui sont nombreux à être produits annuellement, mais peu à être bien promus. Pour vivre une expérience de cinéma de répertoire en salle, il faut soit traverser le pont vers Ottawa, ou alors faire la route jusqu’à Montréal, renchérit-elle. 

Une projection extérieure de Ciné Jonction. Photo : Anne-Marie Hodgson

Le Ciné Jonction s'est fixé l’objectif d’ouvrir les horizons, tout en posant sa loupe sur du cinéma québécois (d’ici et d’ailleurs en province), international et documentaire, en plus d’opter pour une approche collaborative, inclusive et féministe. Avant le début de la pandémie, c’est aux deux semaines que le public  avait la chance de visionner ces films, puis de participer à des discussions, sur une programmation minutieusement réfléchie par l’équipe du club de cinéma. 

Depuis deux ans, l’équipe de Ciné Jonction n’a pu accueillir que la moitié de son public régulier, en plus de devoir régulièrement annuler les programmations, comme c’est le cas présentement. Cette situation ne fait toutefois pas baisser les bras de l’entrepreneure : « Dans toutes les crises ressortent des opportunités! ». Cela a été un moyen d’être créatif dans la sélection des lieux de projections.

Bien que la pandémie ait représenté un obstacle, non seulement pour les productions de films, mais aussi pour les cinémas, Anne-Marie croit que sa compagnie embryonnaire perdurera. 

Elle espère que le muscle social des amoureux du cinéma ne sera pas trop affecté, et que le désir de se déplacer pour avoir des expériences de cinéma en salle n’aura pas trop diminué non plus. Elle explique que le cinéma est une occasion de partager des émotions amplifiées avec d'autres, une expérience qui gagne à être vécue en collectivité plutôt que seul. 

Enfin, à la suite des projections de longs et de courts métrages présentées par Ciné Jonction dans plus d’un lieu du secteur Hull de la ville, la fondatrice aspire à trouver une salle permanente pour offrir ses projections, question de stabiliser la programmation et les habitudes du public gatinois.

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