Confinement 2020 : La parole aux artistes et aux travailleurs culturels

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La semaine dernière, nous avons partagé ce qui occupe le temps de notre équipe pendant ce confinement collectif. Cette semaine, on se tourne vers des artistes et travailleurs culturels de la région afin de dresser un portrait de leur situation actuelle tout en partageant des idées pour rendre la situation plus tolérable. Nous avons contacté trois personnalités de chez nous qu’on apprécie beaucoup et qui occupent des rôles très différents au sein de notre milieu culturel afin de leur donner la parole pour ainsi mieux comprendre leur réalité. Et tant qu’à y être, nous en avons également profité pour recueillir leurs suggestions de distractions en ces temps de confinement.

COBLOU, artiste multidisciplinaire

Avant le début de la pandémie qui nous affecte tous, l’artiste multidisciplinaire Coblou (Corinne Blouin de son vrai nom) s’affairait à préparer une exposition en solo en plus de se tenir occuper avec ses multiples projets, incluant Music.Art.Ppl, un collectif artistique d’Ottawa dont elle fait partie.

Portrait de l’artiste locale Coblou. Photo : Jen Bernard.

Portrait de l’artiste locale Coblou. Photo : Jen Bernard.

Lorsque la période d’isolement a subitement commencé, elle s’est dit que ce serait l’occasion idéale de renouer avec sa pratique artistique et de se remettre à la guitare, un passe-temps qu’elle avait délaissé depuis un certain temps. Elle en profite aussi pour poser ses réflexions sur papier, pour méditer et pour passer du temps à l’extérieur; des activités thérapeutiques qui lui permettent de sortir de sa zone de confort et de maintenir l’équilibre. Comme Coblou avait l’habitude de se rendre quotidiennement à son studio pour créer, elle a dû s’ajuster afin de pouvoir continuer de travailler à la maison.

Malgré l’annulation de ses engagements et de ses contrats, et la précarité financière que cela a entraîné, le ralentissement lui a tout de même apporté un certain soulagement. Étant de nature positive, elle voit le confinement comme une opportunité pour recentrer ses énergies et réfléchir à la façon dont elle peut avoir une approche plus intentionnelle. Elle croit plus que tout que cette période difficile que nous traversons démontre à quel point les arts sont importants dans nos vies et qu’ils ont un pouvoir incroyablement bénéfique sur la santé. Elle espère profondément que cette crise permettra aux artistes de prendre conscience de la place essentielle qu’ils occupent au sein de la société et que les gens en confinement accordent plus de temps à l’exploration de leur côté créatif. Coblou souhaite aussi que cette situation nous encourage à nous tourner vers les arts comme moyen de guérison et que nous canalisons nos émotions vers des façons de faire et de penser qui nous aideront à nous épanouir et à innover collectivement. D’ailleurs, elle nous invite à essayer un cours d’art avec l’artiste et enseignante Alexandre Aimée qui offre des classes en ligne à partir de son studio, à un coût accessible.


PHIL ROY, propriétaire et fondateur du bar à spectacle le Minotaure

Toutes les industries ont dû absorber un coup dur lorsque les mesures du gouvernement ont été annoncées, mais l’impact sur l’industrie du spectacle est encore plus dévastateur comme on ne peut tout simplement pas envelopper et livrer un spectacle à la maison. C’est pour cette raison que je me suis tourné vers Phil Roy, le propriétaire et fondateur du bar à spectacle le Minotaure et de l’agence de promotion de concerts L’Ambassade Culturelle. Du jour au lendemain, il s’est vu avec des dizaines de concerts annulés et la fermeture de son bar pour une période indéterminée. Il a vite accepté de se prêter au jeu et m’a transmis un texte à la fois émouvant et plein d’espoir. Je tiens à mentionner qu’il écoutait la chanson Interlude de London Grammar pendant la rédaction de ce texte, donc je vous invite à en faire de même en lisant ce qui suit. Voici la réalité du confinement de Phil Roy dans ses propres mots :

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« Merci Cindy, Scott et Elly de vous intéresser aux gens du domaine culturel, clairement que ce genre de petit texte saura occuper quelques minutes de notre quarantaine. Avoir du temps, c’est weird. Au moment d’écrire ce texte, ça fait 19 jours que le Mino est fermé. Comme pas mal tout le monde dans l’événementiel, j’ai dû repousser et annuler tout le printemps. J’ai lu sur Facebook : ‘On aura un bel été, cet automne !’ – c’était beau. Je pense que c’était Émilie Tremblay, la booker d’Anatole, Philémon Cimon, pis plein d’autre bon monde. V’là 19 jours, j’étais entrepreneur, là j’suis un semi-chômeur, en attente, qui suit les nouvelles.

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Présentement, d’avoir autant de temps ça me fuck un peu la tête, mais j’y prends goût. J’y prends goût au sens où je m’adapte, de jour en jour, en me donnant soit des petits objectifs hebdos, soit des tâches de la vie quotidienne. Jour 2 de la quarantaine, je me suis fait une ‘’to do list’’, avec les catégories Cuisine, Mino, Aide et Whatever. J’aurai déplacé les shows de l’Ambassade Culturelle d’avril et mai, cuisiné pas mal sans arrêt, avec ma blonde et mes colocs (on est 5 dans la maison!), proposé mon aide à quelques organismes et ami.e.s, roulé mon change que j'accumule depuis un an et demi (juste en 10 cents, j’avais 300 $!), créé un compte Tinder à un ami pour lui trouver une blonde et fait un Great American (comme dans la série New Girl). J’ai environ 20 nouvelles plantes, qui reçoivent beaucoup de love à chaque jour : j’ai appris leurs noms et leurs besoins, parce que t’sais… j’avais le temps. On en profite aussi pour faire des petits travaux au Mino pour lui refaire une petite beauté d’ici la réouverture… qui sera on ne sait trop quand. Il va y avoir du jaune ENTK

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J’écoute beaucoup de musique, mais j’en écoutais déjà beaucoup : The Marias, Poom, Evelyne Brochu, Vendredi sur Mer, Parcels, LEISURE, Angèle et Choses Sauvages. Je suis pas mal in love avec la playlist dream-pop/lo-fi d’Alona Chemerys, c’est comme si tout ce qu’elle mets est automatiquement bon. Dernièrement j’ai découvert Lesser Evil, Yseult, Blaze Velluto Collection, Palatine et les multiples succès de Pierre Lalonde. J’ai commencé un journal d’écoutes, pour me rappeler ce que je pensais de tel ou telle artiste ; ça va être pratique! Je ne lis pas beaucoup, parce qu’écouter de la musique forte dans mes écouteurs c’est ça mon go to quand j’ai le choix. Mais je suis rendu à la moitié de Sports et divertissements de Jean-Philippe Baril Guérard, l’histoire d’une fille à Montréal qui vit un peu frivole, d’alcool, de drogues et de jugements d’autrui. On s’y reconnait facilement, donc c’est rapide à lire.

Sur ma to do : j’espère réussir à booker Gabrielle Destroismaisons, faire une vidéo de ASMR pour YouTube, créer une version Vieux-Hull de Would you Rather, mesurer des choses en Pogo, faire une liste de 10 choses à arrêter de consommer pour des raisons écologiques… genre des avocats, avec le transport et tout l’eau que ça prend pour les faire pousser. J’pourrais surement écrire des trucs encore longtemps, donc je vais m’arrêter ici.

Merci et longue vie au Pressoir, on est choyé de vous avoir. J’en profite pour dire « what’s up » avec un mini signe de rock awkward à tout le staff du bar et j’ai bin hâte de vous revoir, en espérant que ce ne soit pas trop de la marde pour vous. Et bon courage à tout le monde, avec une petite pensée pour les autres petites salles de spectacles du Québec. C’est tout, bye pour vrai. »


LISA L’HEUREUX, dramaturge et metteuse en scène

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Quand on parle de femmes qui ont de l’influence dans la région, Lisa L’Heureux fait partie des artistes du milieu théâtral dont l’ébullition est constante ces dernières années. Récipiendaire de plusieurs mentions honorifiques pour son travail exemplaire, elle est associée au Théâtre du Trillium et directrice artistique du Théâtre Rouge Écarlate. Ayant l’habitude de travailler sur de multiples projets en parallèle les uns des autres, l’éclatement de la crise lui a occasionné une paralysie professionnelle. Voici comment se sont déroulé les événements pour elle :

« Le mercredi 11 mars, j’étais à Toronto pour une troisième journée de laboratoire à travailler sur un nouveau texte, et déjà il y avait de l’électricité dans l’air. L'équipe s'est saluée à distance, à bout de coudes - un peu à la blague, un peu par précaution. »

Le vendredi 13, de retour à Ottawa, elle s’apprêtait à refaire sa valise, cette fois pour se rendre à Sudbury pour accompagner une jeune autrice dans le développement d'un de ses projets. Voulant faire une pierre deux coups, elle comptait profiter de ce séjour pour aller voir Le club des éphémères d'Alain Doom au TNO. Elle voulait aussi absolument aller voir Copeau de Mishka Lavigne à LNSGD, pour lequel son copain avait conçu le décor. Mais à quelques heures de préavis, toutes ces activités ont été annulées. 

« Et dans les jours qui ont suivi, presque tous mes engagements pour les deux prochains mois ont été effacés du calendrier. D'autres sont en suspens. On attend encore de savoir à quoi ressemblera exactement l'aide du gouvernement, mais certains artistes et travailleurs culturels voient déjà qu'ils ne pourront pas appliquer, du moins pour une période, car ils ont réussi à garder un ou deux contrats sur l'ensemble de leurs contrats prévus, parfois pour des petits montants. À voir si le système pourra s’adapter à cette réalité-là. »

Incertain, c’est ce qu’est l’avenir pour plusieurs professionnel.le.s du milieu théâtral. Quand on pense au nombre de créateurs et à tous ceux qui agissent derrière la scène, l’impact est majeur. Quel constat pouvons-nous tirer de cet arrêt brutal des activités artistiques? Lisa est non seulement emplie de sagesse, mais son message est porteur d’espoir : « […] je dirais que c'est l'occasion pour tout le monde de prendre conscience de l'importance de l'art et de la culture dans nos vies, et que ça ait un impact sur nos actions post-pandémie. » Et attention, gare au piège dans lequel on tombe trop souvent … Le travail des artistes, ça se rémunère : « Présentement, les artistes créent beaucoup de contenu pour le web. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils le fassent gratuitement. »

En attendant, pendant que la vie suit lentement son cours, voici les recommandations que Lisa L’Heureux nous a soumises afin de maximiser le bonheur en cette période de confinement :

« Mes deux premières recommandations sont des livres, car privée de sorties culturelles et de social, j'ai une petite écoeurantite pour l'écran (bien que je passe plus de temps devant maintenant qu'on est tous confinés). Ce ne sont pas des livres que j'ai déjà lus, mais qui font partie de ma piles de livres, donc moi-même je vais les découvrir dans les prochaines semaines.

Le premier est Wigrum de Daniel Canty, publié à La Peuplade en 2011. C'est une éditrice du Manitoba qui me l'a hautement recommandé. Ce livre semble brouiller la frontière entre la fiction et les faits, en étant à la fois l'inventaire d'une collection et une collection d'histoires courtes. Vu qu'on se trouve actuellement enfermés, en compagnie de nos objets, ça me paraît d'autant plus pertinent comme lecture.

Le second livre est This Book Betrays My Brother de l'autrice ottavienne Kagiso Lesego Molope, que je me suis procurée cette année à la remise des Prix du livre d'Ottawa. J'ai été attirée vers ce livre, non seulement parce que je suis tombée sous le charme de son autrice lorsqu'elle a livré son discours d'acceptation pour le prix, mais aussi parce que je réalise que je méconnais la communauté littéraire anglophone de cette région.

Et finalement, pour faire changement, ma troisième recommandation est la découverte que la plateforme de Poème Sale a repris vit après plusieurs années d'arrêt! Voici le lien vers leur site : https://poemesale.com. »

Voilà! Profitez-en allègrement. On a le temps! :)